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Comptabilité des baux de la gendarmerie nationale en Corse
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Gendarmerie en location

D'après les documents retrouvés par François Tafanelli aux Archives départementales de la Corse-du-Sud à Ajaccio (cotes "Gendarmerie 5R"), le bail de la gendarmerie d'Aullène semble avoir couru du 1er juillet 1897 au 30 juin 1915. On peut en déduire sans trop de risque que c'est à partir du 30 juin 1915 qu'il n'y a plus eu de gendarmerie dans la bourgade.


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Le casernement de gendarmerie à Aullène
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Les propriétaires de la caserne de gendarmerie d'Aullène

De son côté, en recherchant les archives notariales aux Archives départementales de la Corse-du-Sud à Ajaccio, Sophie Cauvin-Lucchini a trouvé un acte de vente d'une partie du bâtiment loué à la Gendarmerie nationale :


[extrait des archives du notaire Xavier Susini de Serra, année 1866 / Archives départementales de la Corse-du-Sud cotes M-3E3125]

[acte n°4 - vente]
"La Demoiselle Nonce Marie Lucchini ménagère demeurant à Aullène laquelle a par ces présentes vendu sous la garantie de fait et de droit au sieur Jean Thomas Lucchini son neveu germain propriétaire demeurant audit d'Aullène à ce présent et ce acceptant acquérir pour lui, ses héritiers et ayant-cause, (1) toute la part et portion de la maison qui lui complète audit lieu d'Aullène au quartier de l'Andriaccia tenant d'un côté avec Don Jacques et Thomas frères Natali et de l'autre avec l'acquéreur (2) et toute la part et portion de deux pieds d'arbres de châtaigniers qui forme le tiers situé audit Aullène en proximité de la maison Natali qui sert de casernement à la gendarmerie. Ainsi que ladite part de maison se poursuit et se compose avec tous ses droits, actions, appartenances et dépendances généralement quelconques sans rien excepter ni réserver ; libre de tous privilèges et hypothèques et comme telle la garantie. La venderesse a déclaré avoir recueilli ladite portion de maison de la succession de feu son père décédé il y a plus de trente ans. Le dit acquéreur fera et disposera de la dite part de maison par lui acquise en toute propriété et jouissance à compter de ce jour, à la charge pour lui d'en payer désormais les contributions. Cette vente est faite en outre, pour et moyennant la somme de soixante francs ; prix fixé d'accord entre les parties d'après l'avis d'amis communs ; laquelle somme la venderesse a déclaré l'avoir reçue dudit acquéreur en espèce de monnaie ayant cours, comptée et réellement délivrée avant la passation des présentes et hors la vue du notaire et témoins soussignés dont quittance. Et pour l'exécution des présentes les parties ont élus réciproquement domicile dans leurs demeures sus-dites. Dont acte. Fait et passé audit lieu de Serra en l'étude. L'an mil huit cent soixante six le seize février, en présence des tiers Jean Baptiste Comiti et Pierre Paul Quilichini, tous deux propriétaires demeurant à Sorbollano de passage en ce jour audit Serra témoins instrumentaires lesquels, après lecture faite ont signé, avec l'acquéreur et le notaire, la venderesse ayant de ce interpellée déclaré ne savoir écrire ni signer. [signatures de Gian Tomaso Lucchini, Jean Baptiste Comiti, Pierre Paul Quilichini et Xavier Susini]".

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Réduction des effectifs de la gendarmerie française en 1912

En septembre 2004, voilà ce que François Tafanelli écrit au sujet de la gendarmerie d'Aullène :

"Des récentes recherches aux Archives Départementales m'ont permis de découvrir une circulaire ministérielle et un procès-verbal concernant l'étude de remaniements au sein de la Gendarmerie nationale.

Par circulaire en date du 22 octobre 1912, le Ministre de l'Intérieur, informe les préfets en accord avec le Ministre de la Guerre qu'il a été décidé la constitution dans chaque département d'une commission chargée de rechercher les réductions qu'il serait possible de faire subir aux effectifs des Brigades de la Gendarmerie :

- en supprimant un grand nombre de brigades d'une utilité contestable,
- en augmentant les circonscriptions des autres brigades, maintenues en principe à cinq hommes et, au besoin, en renforçant l'effectif de certaines d'entre elles,
- en transformant un certain nombre de brigades à cheval en brigades à pied munies ou non de bicyclettes. [...]

Suppression et remaniement des brigades de gendarmerie en Alta Rocca

Pour le département de la Corse, sous la présidence de Monsieur Louis Thibon, Préfet de la Corse, la commission s'est réunie le 12 novembre 1912.

Après échange de vues des différents participants, elle déclare à l'unanimité qu'il est impossible de diminuer d'une seule unité l'effectif composant actuellement la 15ème légion de gendarmerie. Mais elle déclare que la création d'une section mobile de gendarmes à pied susceptible de se transporter partout où les nécessités du service l'exigent permet d'envisager les suppressions ou remaniements suivants :
[...]

Brigades de gendarmerie d'Aullène et Serra di Scopamene et Cargiaca

Suppression : Brigade de Cargiaca,

Remaniement :

La brigade d'Aullène à l'effectif de cinq gendarmes à pied, surveille les deux communes d'Aullène et Zerubia,

Celle de Serra di Scopamene, à l'effectif de six gendarmes à pied surveille trois communes : Serra di Scopamene, Sorbollano et Quenza.

Par suite de la suppression de la brigade de Cargiaca, les deux communes qui la composent seraient rattachées à celle d'Aullène, distante de Cargiaca de 7 km et de Loretto di Tallano de 14 km. En utilisant les raccourcis, ces distances ne sont que de 7 et 12 km.

La brigade d'Aullène n'aurait plus à assurer la surveillance de la commune de Zerubia qui ferait partie de la circonscription de Serra di Scopamene. Distante de 2 km."


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Soins médicaux gratuits aux gendarmes et à leur famille,
tartufferie administrative et apparences à préserver


Par ailleurs, François Tafanelli a découvert un certains nombre de documents relatifs aux relations avec les médecins civils en exercice à Aullène. A ce propos, il écrit :


Proposition d'attribution d'une médaille d'argent

"Les médecins d'Aullène soignaient gratuitement les militaires de la gendarmerie et certainement leur famille. A ce titre une circulaire diffusée sur l'ensemble du territoire national ordonne de recenser les médecins pouvant se voir récompenser d'une médaille d'argent.

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Proposition de médailles du 13 juin 1900
pour les médecins
soignant gratuitement les gendarmes et leur famille,
accompagnée du refus en date du 18 juin 1900,
le recto
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et le verso
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J'ignore les différentes clauses pour obtenir cette médaille et notamment le nombre des années d'exercice gratuit de la médecine aux membres de la gendarmerie, il n'en reste pas moins que le service rendu était semble-t-il plus important que le résultat plus ou moins attendu d'une remise de décoration. Même si en France on aime bien les colifichets...

Eh bien tous ces médecins n'avaient pas droit automatiquement à cette faveur.

Refus d'attribution de la médaille d'argent à un médecin d'Aullène

En 1900 et 1901, le Docteur Natali François Marie, exerçant à Aullène, n'a pas obtenu de la part de la hiérarchie militaire un avis favorable ! Et ce à deux reprises (quel acharnement !)

Pourquoi ?

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Renouvellement de propositions de médailles le 17 juin 1901
pour les médecins soignant gratuitement à la gendarmerie
accompagnée d'un refus du 20 juin 1901
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Un télégramme (chiffré S.V.P.) du Sous-préfet de Sartène au Préfet d'Ajaccio, révèle qu'il est un chef "réactionnaire" du canton ! Diable... [note de Sophie : pour condenser l'histoire on précisera que le parti réactionnaire de la fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle était anti-républicain, clérical de tendance jésuitique et anti-dreyfusard]

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Justification, codée, du refus
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Comme quoi, on peut être "réactionnaire" et donner des soins gratuits, admis chez soi ou dans une caserne de gendarmerie, mais on devient infréquentable pour l'obtention d'une médaille.

Ce pauvre Docteur Natali n'a vraiment pas eu de chance car ce refus s'est poursuivi en 1902.

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Nouvelles proposition de médailles du 21 mai 1902
pour les médecins d'Aullène
soignant gratuitement à la gendarmerie
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Une note du Préfet, nous apprend que le Docteur Natali a une "bonne conduite" et que son attitude politique le désigne comme chef militant du parti réactionnaire du canton de Serra di Scopamene. La motivation du refus d'accorder la distinction honorifique soulèverait l'indignation générale au sein du parti républicain, non seulement dans le canton de Serra mais de l'arrondissement tout entier et serait à juste titre considérée comme un véritable triomphe par la parti réactionnaire.

J'espère qu'il n'en a rien su. [note de Sophie : il devait fortement s'en douter !]"

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Nouveau refus avec justification
en date du 21 mai 1902
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